Nina Bouraoui
Maeve Llerandi, Adrián Alegre, Shyuen Lew, Carla Llacer
Algérienne, Française, homosexuelle... la triple
identité de Nina Bouraoui
Dans son dernier roman "Tous les hommes désirent naturellement savoir", paru cet été,
la romancière Nina Bouraoui met en lumière sa triple identité : algérienne, française et
homosexuelle. Un texte à la fois poétique et militant.
la romancière Nina Bouraoui met en lumière sa triple identité : algérienne, française et
homosexuelle. Un texte à la fois poétique et militant.
C’est un voyage à travers le temps et l’espace. Un récit sur la quête d’identité, sa violence et sa
complexité. Dans "Tous les hommes désirent naturellement savoir" (JC Lattès), Nina Bouraoui se
met à nu. Dans son seizième roman, l’auteure franco-algérienne, prix Renaudot pour "Mes mauvaises
pensées"en 2005, évoque sans détour son homosexualité. "Je cherche dans mon passé des preuves de
mon homosexualité, des reliquats, mon enfance est ainsi, orientée de cette façon, à la manière d’un
astre ou du versant d’une montagne", écrit-elle dès les premières pages du livre.
complexité. Dans "Tous les hommes désirent naturellement savoir" (JC Lattès), Nina Bouraoui se
met à nu. Dans son seizième roman, l’auteure franco-algérienne, prix Renaudot pour "Mes mauvaises
pensées"en 2005, évoque sans détour son homosexualité. "Je cherche dans mon passé des preuves de
mon homosexualité, des reliquats, mon enfance est ainsi, orientée de cette façon, à la manière d’un
astre ou du versant d’une montagne", écrit-elle dès les premières pages du livre.
Nina Bouraoui a grandi en Algérie. Née d’une mère française et d’un père algérien, elle revendique sa
double identité, porte haut ses couleurs. Française et Algérienne. "Mon enfance était éblouissante.
Dans les années 70, l’Algérie était déjà un pays corseté. Ma mère a souffert d’un racisme anti-francais.
Mais elle m’a donné une leçon d’humanité, de courage et de bienveillance. Aussi, je n’ai jamais haï ma
part algérienne. Au contraire, j’en étais fière. Je l’ai occupée. Ma mère parlait arabe. Elle était plus
Algérienne que mon père algérien ! En plus, elle avait des amies splendides. Pour moi, c’était le nirvana !
C’était le temps de la volupté. De la liberté. J’étais juste avec ce que je ressentais. Ça n’est qu’après,
lorsque je me suis insérée dans la société que tout s’est refermé. À cause du regard des autres. Et ce regard,
il faut toute une vie pour le défaire", confiait-elle à Têtu, mi-septembre.*
double identité, porte haut ses couleurs. Française et Algérienne. "Mon enfance était éblouissante.
Dans les années 70, l’Algérie était déjà un pays corseté. Ma mère a souffert d’un racisme anti-francais.
Mais elle m’a donné une leçon d’humanité, de courage et de bienveillance. Aussi, je n’ai jamais haï ma
part algérienne. Au contraire, j’en étais fière. Je l’ai occupée. Ma mère parlait arabe. Elle était plus
Algérienne que mon père algérien ! En plus, elle avait des amies splendides. Pour moi, c’était le nirvana !
C’était le temps de la volupté. De la liberté. J’étais juste avec ce que je ressentais. Ça n’est qu’après,
lorsque je me suis insérée dans la société que tout s’est refermé. À cause du regard des autres. Et ce regard,
il faut toute une vie pour le défaire", confiait-elle à Têtu, mi-septembre.*
Avec beaucoup de délicatesse, de poésie, elle évoque ce paradis perdu dont elle perçoit la violence,
malgré tout, pendant l’enfance. Mariée à un "Français musulman", la mère de Nina Bouraoui est arrivée
en Algérie après l’indépendance, dans un pays meurtri par la guerre. Au fil des années, elle devient plus
"algérienne" que son mari, se plaît à dire l’auteure. En voiture, elle explore le pays avec ses deux filles.
"Je n’oublie pas d’où je viens, les falaises de la route de la corniche, la palmeraie de Bou Saada, les
sentiers de Chréa, les roseaux avant la plage, les néfliers que j’escaladais, me hissant au-dessus du monde,
mes dents déchirant la chair des fruits sur leurs branches, envahie par un plaisir que je ne me lassais pas de
chercher", se souvient-elle au début du roman.
malgré tout, pendant l’enfance. Mariée à un "Français musulman", la mère de Nina Bouraoui est arrivée
en Algérie après l’indépendance, dans un pays meurtri par la guerre. Au fil des années, elle devient plus
"algérienne" que son mari, se plaît à dire l’auteure. En voiture, elle explore le pays avec ses deux filles.
"Je n’oublie pas d’où je viens, les falaises de la route de la corniche, la palmeraie de Bou Saada, les
sentiers de Chréa, les roseaux avant la plage, les néfliers que j’escaladais, me hissant au-dessus du monde,
mes dents déchirant la chair des fruits sur leurs branches, envahie par un plaisir que je ne me lassais pas de
chercher", se souvient-elle au début du roman.
La force de Nina Bouraoui est d’emmener le lecteur dans un dédale de souvenirs, sans jamais le perdre.
Savoir, Devenir, Se souvenir : trois chapitres articulent le récit et se répètent. Ainsi, les mémoires se
chevauchent sans jamais s’éclipser. Des mémoires qui montrent comment naît et se construit une identité.
Savoir, Devenir, Se souvenir : trois chapitres articulent le récit et se répètent. Ainsi, les mémoires se
chevauchent sans jamais s’éclipser. Des mémoires qui montrent comment naît et se construit une identité.
Un livre militant pour aider les adolescents
À 14 ans, "le 17 juillet 1981", elle quitte Alger pour Rennes. Un déracinement d’autant plus violent que
l’adolescente se cherche. Ce "garçon manqué" n’est pas comme les autres à un âge où justement on veut
ressembler aux autres. Elle aime les femmes. Mais s’en défend. Lorsqu’elle arrive à Paris, elle explore
donc sa troisième identité : son homosexualité. Quatre fois par semaine, elle se rend seule au Katmandou,
à Paris, un club des années 1980 exclusivement réservé aux femmes. "Au début je sors seule au Kat, je
n’ai pas d’amies homosexuelles, je ne désire pas en avoir, j’évite tout lien en dehors du lieu, je ne donne
ni mon numéro de téléphone, ni mon vrai prénom (…) Je suis terrifiée à l’idée d’être démasquée, de
mériter une punition", écrit-elle.
l’adolescente se cherche. Ce "garçon manqué" n’est pas comme les autres à un âge où justement on veut
ressembler aux autres. Elle aime les femmes. Mais s’en défend. Lorsqu’elle arrive à Paris, elle explore
donc sa troisième identité : son homosexualité. Quatre fois par semaine, elle se rend seule au Katmandou,
à Paris, un club des années 1980 exclusivement réservé aux femmes. "Au début je sors seule au Kat, je
n’ai pas d’amies homosexuelles, je ne désire pas en avoir, j’évite tout lien en dehors du lieu, je ne donne
ni mon numéro de téléphone, ni mon vrai prénom (…) Je suis terrifiée à l’idée d’être démasquée, de
mériter une punition", écrit-elle.
Outre la peur et la honte, Nina Bouraoui évoque sa propre homophobie. Parfois avec beaucoup de
violence. "En rentrant du Kat, j’écris pour me faire pardonner mon homosexualité et pour me faire aimer".
Invitée de la Grande Librairie, la romancière expliquait avoir souffert du regard des autres, du dégoût
qu’on lui avait "insufflé". "Je ne me suis jamais trahie. J’étais juste. La société m’a donné ce sentiment
de honte, de rejet, de peur".
violence. "En rentrant du Kat, j’écris pour me faire pardonner mon homosexualité et pour me faire aimer".
Invitée de la Grande Librairie, la romancière expliquait avoir souffert du regard des autres, du dégoût
qu’on lui avait "insufflé". "Je ne me suis jamais trahie. J’étais juste. La société m’a donné ce sentiment
de honte, de rejet, de peur".
Une souffrance qu’elle voudrait éviter aux autres. Aux enfants surtout. Car si Nina Bouraoui s’est décidée
à parler de son homosexualité aussi ouvertement aujourd'hui, c’est pour donner des armes aux adolescents
parfois rejetés pour ce qu’ils sont. Le tournant ? Le débat sur le mariage pour tous. La parole de haine se
libère. La violence aussi. Nina Bouraoui se sent humiliée, en colère.
à parler de son homosexualité aussi ouvertement aujourd'hui, c’est pour donner des armes aux adolescents
parfois rejetés pour ce qu’ils sont. Le tournant ? Le débat sur le mariage pour tous. La parole de haine se
libère. La violence aussi. Nina Bouraoui se sent humiliée, en colère.
À l’heure où les violences homophobes se multiplient en France – les plaintes pour agression homophobe
ont augmenté de 15 % depuis le début de l'année – ce livre est définitivement un acte militant.
ont augmenté de 15 % depuis le début de l'année – ce livre est définitivement un acte militant.
* Malgré nos nombreuses sollicitations, Nina Bouraoui n'a pas donné suite à notre demande d'interview.
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